9/II
D'après deux pièces courtes d' ISRAEL HOROVITZ
Trois semaines après le paradis et John a disparu
Mise en scène : Christine Soldevila
Adaptation : La compagnie séditieuse
Création 2017 - Lille
Transportés à New York, après la tragédie du 11 septembre 2001, nous suivons une femme, sans nouvelles de son fils, de la 11e rue Ouest au mur des disparus de l’hôpital Saint Vincent, dans un récit sans complaisance pour l’Amérique de Bush.
Dans leur appartement new-yorkais, Willa et Pénélope n’ont plus aucun doute : « John est mort ». Mais avec quel fantôme de John, devenu un héros à son insu, décident-elles de vivre ? Qui, de la mère ou de la fille, protège l’autre de la vérité ?
LA METTEURE EN SCÈNE
Christine Soldevila est essentiellement comédienne et metteure en scène de théâtre, même si elle a aussi réalisé des courts métrages, dont le dernier, Parc Avenue, fut diffusé au Festival de Cannes en 2013, et écrit un scénario, N37, un long métrage en cours de production. Dans les années 1990 et 2000, elle a joué dans de nombreuses pièces, parmi lesquelles Toi et tes nuages d’Eric Wesphalt, Le Songe de Strindberg, La nuit et le moment de Crébillon fils, La Marelle d'Israël Horovitz, ou encore L’Atelier de Jean-Claude Grumberg.
Comme metteure en scène, elle a monté Catégorie 3.1 de Lars Noren, L’oreille collée au mur, un spectacle original sur la vie et l'oeuvre de Tchekhov, Les Justes d'Albert Camus et La Ménagerie de verre de Tennessee Williams. Professeur d’Art dramatique à Paris, animatrice de stage pour Pôle Emploi Spectacle Alhambra à Paris et pour Acte 1 Théâtre et Cinéma à Lille.
NOTE D' INTENTION
«J'ai peur pour la sécurité de mes enfants, ce qui signifie que j’ai peur de vivre. »
Traitant de la tragédie du 11 septembre 2001, 9/11est issu de l’adaptation de deux textes d’Israël Horovitz qui soulignent le maillage entre Histoire et intimités.
Trois semaines après le paradis relate l’expérience poignante de l’auteur, témoin immédiat de la catastrophe. En tentant d’exorciser angoisse et impuissance au travers de ce monologue, il nous livre errances personnelles et critique du système.
Quelques années plus tard, dans John a disparu, l’auteur nous interpelle sur notre capacité à idéaliser les morts et à protéger nos enfants malgré leurs interrogations existentielles. Ainsi, qui protège l’autre, de Pénélope ou de Willa ? Avec quel fantôme de John décident-elles de vivre ?
« Matthew me dit qu’il en est venu à réaliser qu’il y a trois semaines, avant le 11-Septembre, il vivait au paradis »
« Bush-le-Jeune continue son bourdonnement monotone. Il a presque l’air d’un président. »
« Mon travail est de lui dire la vérité : ce que je sais et qu’elle ne sait pas. »
« C’est comment d’être mort, John ? »
« Tu ne te souviens de rien de négatif à propos de papa ? »
Les pièces courtes : « un coup de poignard dans le cœur, un baiser sur la bouche, un éclair annonçant la foudre »
La pièce courte ne permet ni à l’auteur ni au spectateur de se cacher, estime Israël Horovitz.
L’intensité du texte, soulignée par la sobriété de la mise en scène, est renforcée par un plateau quasi nu et par un travail sur la lumière et le son qui recréeront des ambiances et dessineront plusieurs espaces scéniques grâce à des projections.
Les interventions musicales, envisagées comme des respirations et des invitations à la réflexion, évitent de renforcer ou d’occulter la tristesse du texte, dont l’humour n’est pas exclu.
L’adaptation de ces deux pièces courtes, motivée par leur interrelation, suggère, à l’instar du parcours de l’auteur passant du récit autobiographique à la fiction, la possible résilience malgré l’impensable.
Un jeu organique au plus près de la vérité
Christine Soldevila a privilégié un travail organique avec ses comédiennes, qui contribuent au réalisme et à la nuance en jouant sur une palette variée d’émotions.
La metteure en scène a également renforcé l’unité du spectacle par d’occasionnelles présences muettes des personnages d’une pièce dans l’autre. Les deux pièces s’entrelacent.
Bien que la mort ait épargné les siens, la Femme de Trois semaines après le paradis est en proie à une « dépression de fin du monde ». Elle observe, avec désarroi et indignation, ceux qui sont frappés par la tragédie, comme Pénélope, aux frontières de la folie face à l’impossible deuil, ou comme Willa, empreinte de solitude extrême devant la névrose de sa mère.
De ces trois personnages, c’est Willa qui, malgré la douleur, insuffle une inébranlable énergie de vie.
L'AUTEUR
Né en 1939 dans le Massachusetts, Israël Horovitz a écrit plus de 70 pièces, traduites et jouées dans le monde entier. Dramaturge, scénariste, metteur en scène et réalisateur, il a fondé son théâtre, la Gloucester Stage Company, et le New York Playwrights Lab, laboratoire et lieu d’échange entre écrivains. Il animait un atelier de scénario bilingue pour des auteurs de la Fémis et de la Columbia University’s graduate film program.
Créées à New York par Al Pacino (L’Indien cherche le Bronx), Jill Clayburgh (Sucre d’Orge), Richard Dreyfuss (Les Rats, Le premier) et Diane Keaton (Les Sept Familles), ses pièces ont été jouées en France par Laurent Terzieff (L’Indien cherche le Bronx), Gérard Depardieu (Clair-Obscur), Daniel Gélin (Dr. Hero), Pierre Dux et Jane Birkin (Quelque part dans cette vie).
Israël Horovitz est l’auteur du scénario de Des fraises et du sang, réalisé par Stuart Haggman et prix du jury au festival de Cannes en 1970, de Sunshine, réalisé par István Szabó et prix du meilleur scénario de l’Académie européenne du cinéma en 2000. En 2014, il écrit et dirige My Old Lady (film tiré de sa pièce jouée en France sous le titre Très chère Mathilde) avec Maggie Smith, Kristin Scott Thomas et Kevin Kline.
Le "tendre voyou américain", comme l'appelait Ionesco, nous quitte en novembre 2020, Il nous laisse une œuvre théâtrale à la dimension cinématographique : les mots cognent, les silences sont tendus, on frissonne, on respire, on vit.
"Comme tous les tendres, comme tous les doux, il écrit les choses les plus cruelles qui soient. Et ce sont des œuvres vraies. Israël Horovitz est à la fois sentimental et réaliste. On imagine à quel point il peut être féroce." (Eugène Ionesco)